1. L’aphorisme tranche, mais par sa substance autant que par sa forme, il décide en un jeu des mots. Même s’il parle de l’architecture, il ne lui appartient pas. Cela va de soi et l’aphorisme, qui relève du discours, donne souvent à l’évidence triviale l’autorité d’une sentence.
2. On attend de l’aphorisme qu’il prononce le vrai. Il prophétise, vaticine parfois, profère ce qui est ou ce qui sera, l’arrête d’avance dans une forme monumentale, certes, mais anarchitecturale : dissociée et a-systémique.
3. S’il y a une vérité de l’architecture, elle paraît doublement allergique à l’aphorisme : elle se produit comme telle, pour l’essentiel, hors du discours. Elle concerne une organisation articulée, mais une articulation muette.
4. Parler ici d’aphorismes, et par aphorisme, c’est s’installer dans l’analogie entre la rhétorique et l’architecture. On suppose ainsi résolu le problème, l’un des problèmes au-devant desquels se risquent, chacun à leur manière, tous les textes ici rassemblés. L’analogie entre logos (logie) et architecture n’est pas une analogie parmi d’autres. Pas plus qu’elle ne se réduit à une simple figure de rhétorique. Le problème de l’analogie définirait donc l’espace même de ce livre, l’ouverture donnée à son projet.
5. Un problème, le sujet d’une discussion ou le thème d’une recherche, dessine toujours, il esquisse les lignes d’une construction. C’est souvent une architecture protectrice. Problema : ce qu’on anticipe ou ce qu’on se propose, l’objet qu’on place devant soi, l’armure, le bouclier, l’obstacle, le vêtement, le rempart, la saillie, le promontoire, la barrière. On se tient toujours et devant et derrière le problème.
6. Qu’est-ce qu’un projet en général ? Et qu’est-ce que le « projet » en architecture ? Comment interpréter sa généalogie, son autorité, sa politique — bref sa philosophie à l’œuvre ? Si les textes réunis dans ce volume se croisent souvent autour de ces questions, on se demandera ce que peut signifier ce « projet »-ci, ce qui s’expose ou rassemble dans une pré-face, l’avant-propos ou l’avant-projet d’un livre sur l’architecture et la philosophie.
7. Un texte qui se présente comme un simulacre d’avant-propos, une série discontinue, un archipel d’aphorismes, voilà une composition intolérable en ce lieu, un monstre rhétorique et architectural. Démontrez-le. Puis lisez ce livre. Vous commencerez peut-être à douter.
8. Ceci est un mot, une phrase, donc ceci n’est pas de l’architecture. Mais prouvez-le, exhibez vos axiomes et vos définitions et vos postulats.
9. Voici de l’architecture : projet illisible et à venir, école encore inconnue, style à définir, espace inhabitable, invention de nouveaux paradigmes.
10. Paradeigma signifie « plan d’architecte », par exemple. Mais paradeigma, c’est aussi l’exemple. Il reste à savoir ce qui arrive quand on parle d’un paradigme architectural pour d’autres espaces, d’autres techniques, arts, écritures. Le paradigme comme paradigme pour tout paradigme. Du jeu de mots en architecture — et si le Witz y est possible.
11. L’architecture ne tolère pas l’aphorisme, paraît-il, depuis que l’architecture existe comme telle en Occident. Il faudrait peut-être en conclure qu’un aphorisme en toute rigueur n’existe pas : il ne paraît pas, ne se donne pas à voir dans l’espace, ni traverser, ni habiter. Il n’est pas, même s’il y en a. Comment se laisserait-il lire ? On n’y entre ni n’en sort jamais, il n’a donc ni commencement ni fin, ni fondement ni finalité, ni bas ni haut, ni dedans ni dehors. Ces assertions n’ont de sens qu’à la condition d’une analogie entre le discours et tous les arts dits de l’espace.
12. Ceci est un aphorisme, dit-il. Et l’on se contentera de le citer.
13. De la citation : bien qu’elle y soit engagée selon une modalité singulière, bien qu’elle n’imite pas à la façon dont une peinture ou une sculpture en viennent à représenter un modèle, l’architecture de la « tradition » appartient à l’espace de la mimesis. Elle est traditionnelle, elle constitue la tradition par là même. Malgré les apparences, la « présence » d’un édifice ne renvoie pas seulement à elle-même, elle répète, signifie, évoque, convoque, reproduit, elle cite aussi. Elle porte vers l’autre et se réfère, elle se divise en sa référence même. Des guillemets en architecture.
14. Il n’y a jamais eu d’architecture sans « préface ». Les guillemets signalent ici le risque de l’analogie. Une « préface » architecturale comprend, entre autres préliminaires, le projet ou ses analogues, la méthodologie qui définit les voies et les procédures, les préambules axiomatiques, principiels ou fondamentaux, l’exposition des finalités, puis les modèles de la mise en œuvre, et enfin, dans l’œuvre même, tous les modes d’accès, le seuil, la porte, l’espace vestibulaire. Mais la préface (sans guillemets cette fois, la préface d’un livre) doit annoncer l’« architecture » d’un ouvrage dont il est bien difficile de dire si, oui ou non, elle lui appartient.
15. On attend d’une préface qu’elle décrive et justifie la composition du livre : pourquoi et comment il fut ainsi construit. Pas de préface à une déconstruction, à moins que ce ne soit une préface à l’envers.
16. Toute préface est à l’envers. Elle se présente à l’endroit, comme il est requis, mais dans sa construction, elle procède à l’envers, elle est développée (processed), comme on le dit de la photographie et de ses négatifs, depuis la fin ou la finalité supposée : une certaine conception du « projet » architectural.
17. L’analogie a toujours procédé dans les deux sens, ce livre-ci le démontre : on parle de l’architecture d’un livre mais on a souvent comparé telles constructions de pierre à des volumes offerts au déchiffrement.
18. La préface n’est pas un phénomène institutionnel parmi d’autres. Elle se présente elle-même comme institution de part en part, l’institution par excellence.
19. Demander une préface, c’est se fier à une idée conjointe de la signature et de l’architecture : la loi du seuil, la loi sur le seuil ou plutôt la loi comme le seuil même, et la porte (une immense tradition, la porte « devant la loi », la porte à la place de la loi, la porte faisant la loi qu’elle est), le droit d’entrer, les présentations, les titres, la légitimation qui, dès l’ouverture de l’édifice, donne les noms, annonce, prévient, introduit, dégage une perspective sur l’ensemble, situe les fondations, rappelle l’ordre, rappelle à l’ordre du commencement et de la fin, du commandement aux finalités, de l’arkhè en vue du telos.
20. Une préface rassemble, relie, articule, prévoit les passages, dénie les discontinuités aphoristiques. Il y a un genre interdit pour la préface, c’est l’aphorisme.
21. Ceci n’est pas un aphorisme.
22. Le Collège international de philosophie se devait de donner lieu à une rencontre, une rencontre pensante, entre philosophie et architecture. Non pas pour les mettre enfin face à face, mais pour penser ce qui, depuis toujours, les maintient ensemble dans la plus essentielle des cohabitations. Elles s’impliquent l’une l’autre selon des nécessités qui ne relèvent pas seulement de la métaphore ou de la rhétorique en général (architectonique, système, fondement, projet, etc.).
23. Le Collège international de philosophie est la vraie préface, la vérité de la préface à cette rencontre et à ce livre. Sa préface à l’endroit puisque d’une certaine façon il n’existe pas encore, ce Collège, il se cherche depuis plus de quatre ans, il cherche la forme de sa communauté, son modèle politique, qui ne sera peut-être plus politique, et donc son dessein architectural qui ne sera peut-être plus une architecture. Mais pour ce faire, pour donner lieu à cette rencontre et à ce livre, il est soutenu par les forces d’une institution solide, légitime, ouverte, amie : le Centre de création industrielle (CCI). Ce fait est un problème, c’est-à-dire la plus généreuse des « protections » (voir plus haut, aphorisme 5) : centre, création, industrie.
24. Un aphorisme authentique ne doit jamais renvoyer à un autre. Il se suffit à lui-même, monde ou monade. Mais qu’on le veuille ou non, qu’on le voie ou non, des aphorismes s’enchaînent ici, comme aphorismes, et en nombre, numérotés. Leur série se plie à un ordre irréversible. En quoi elle est sans être architecturale. Lecteur, visiteur, au travail !
25. Un aphorisme n’enjoint jamais. Il ne s’exclame pas, il n’ordonne ni ne promet. Il propose au contraire, arrête et dit ce qui est, un point c’est tout. Un point qui n’est pas d’exclamation.
26. Le Collège international de philosophie s’est donné pour tâche de penser l’institutionnalité de l’institution, et d’abord la sienne, notamment en ce qui conjoint l’architecture, la signature et la préface (question des noms, des titres, du projet, de la légitimation, du droit d’accès, des hiérarchies, etc.). Mais, chose étrange, s’il a pu donner lieu à de telles rencontres et à un livre comme celui-ci, c’est peut-être dans la mesure où il n’a pas encore de lieu ni de forme architecturale qui lui soit propre. Cela tient sans doute à des limites héritées du vieil espace politico-institutionnel, à ses contraintes les plus tenaces et les moins contournables.
27. Dès son Avant-projet, le Collège international de philosophie se devait de penser son architecture, ou du moins son rapport à l’architecture. Il devait se préparer à inventer, et non seulement pour lui-même, une configuration des lieux qui ne reproduise pas la topique philosophique qu’il s’agit justement d’interroger ou de déconstruire. Cette topique réfléchit des modèles ou se réfléchit en eux : structures socio-académiques, hiérarchies politico-pédagogiques, formes de communauté qui président à l’organisation des lieux ou ne s’en laissent en tout cas jamais séparer.
28. Déconstruire l’artefact nommé « architecture », c’est peut-être commencer à le penser comme artefact, à repenser l’artefacture à partir de lui, et la technique, donc, en ce point où elle reste inhabitable.
29. Dire que l’architecture doit être soustraite aux fins qu’on lui assigne, et d’abord à la valeur d’habitation, ce n’est pas prescrire des constructions inhabitables, mais s’intéresser à la généalogie d’un contrat sans âge entre l’architecture et l’habitation. Est-il possible de faire œuvre sans aménager une manière d’habiter ? Tout passe ici par des « questions à Heidegger » sur ce qu’il croit pouvoir dire de cela, que nous traduisons en latin par « habiter ».
30. L’architecture d’une institution – par exemple une institution philosophique – n’est ni son essence ni son attribut, ni sa propriété ni son accident, ni sa substance ni son phénomène, ni son dedans ni son dehors. Ce qui s’ensuit, qui n’est pas rien, ne relève peut-être plus de la conséquence philosophique : l’architecture ne serait pas.
31. En se construisant – dé-construisant – ainsi, le Collège international de philosophie se devait, cela dès son avant-projet, d’ouvrir la philosophie à d’autres « disciplines » (ou plutôt à d’autres questions sur la possibilité de la « discipline », sur l’espace de l’enseignement), à d’autres expériences théoriques et pratiques. Non seulement au nom de la sacrosainte interdisciplinarité qui suppose des compétences attestées et des objets déjà légitimes, mais en vue de « jets » (projets, objets, sujets) nouveaux, de gestes nouveaux, encore inqualifiés. Qu’est-ce que « jeter » pour la pensée ? Et pour l’architecture ? Que veut dire « jeter les fondements » ? Qu’est-ce que « lancer », « envoyer », « s’élancer », « ériger », « instituer » ?
32. La déconstruction du « projet » dans tous ses états. L’architecture est sans être dans le projet — au sens technique ou non de ce terme.
33. On doit poser à l’architecte une question analogue à celle du subjectile (par exemple en peinture, dans les arts graphiques ou sculpturaux). Question du support ou de la substance, du sujet, de ce qui est jeté dessous. Mais aussi de ce qui se jette en avant ou d’avance dans le projet (projection, programme, prescription, promesse, proposition), de tout ce qui appartient, dans le processus architectural, au mouvement du lancer ou de l’être-lancé, du jeter ou de l’être-jeté (jacere, jacio/jaceo). Horizontalement ou verticalement : des fondations pour l’érection d’un édifice qui toujours s’élance vers le ciel, là où, suspens apparent de la mimesis, il n’y avait rien. Une thèse pose quelque chose à la place de rien ou du manque. C’est le projet comme prothèse. Autre valeur du pro : non pas en avant ou en avance, ni le problème ni la protection, mais ce qui vient à la place de —. De la supplémentarité architecturale.
34. Le Collège international de philosophie se devait — et cela fut dit dès l’avant-projet — de donner lieu à des recherches appelées par commodité performatives. Entendons par là ces moments où le savoir fait œuvre, quand le constat théorique ne se laisse plus dissocier de l’événement qu’on appelle « création », « composition », « construction ». Il ne suffit pas ici de dire que l’architecture en est un des meilleurs paradigmes. Le mot même et le concept de paradigme ont une valeur exemplairement architecturale.
35. Le Collège international de philosophie annonçait, dès son avant-projet, qu’il ne négligerait aucun des enjeux de ce qu’on appelle l’enseignement, et sans se limiter à la discipline philosophique. Toute didactique comporte une philosophie, un rapport à la philosophie, fût-il dénié. Quelle est, dans ce pays, la philosophie pratiquée ou ignorée par la pédagogie de l’architecture, l’enseignement de son histoire, de ses techniques, de sa théorie, de ses rapports avec les autres « arts », les autres textes, les autres institutions, les autres instances politico-économiques ? Dans ce pays et dans les autres ? La situation de la France est très singulière à cet égard et ce livre, en s’attachant à certaines prémisses philosophiques, pourrait contribuer à une sorte de déplacement général des frontières, à une autre expérience de l’internationalité. C’est sans doute une urgence pour l’architecture, en tout cas un projet essentiel pour un Collège international.
36. Compte tenu de ce qui se trouve enseigné du « projet » architectural dans ce livre, on hésite à parler d’un « projet » du Collège international de philosophie. Dire qu’il n’a pas de projet, ce n’est pas pour autant dénoncer son empirisme ou son aventurisme. De même, une architecture sans projet s’engage peut-être dans une œuvre plus pensante, plus inventive, plus propice que jamais à la venue de l’événement.
37. Dire de l’architecture qu’elle n’est pas, c’est peut-être sous-entendre qu’elle arrive. Elle se donne lieu sans en revenir, voilà l’événement.
38. Il n’y a pas de projet déconstructeur, pas de projet pour la déconstruction.
39. Le projet : c’est et ce n’est pas l’essence de l’architecture. II aura peut-être été l’histoire de l’architecture, son ordre en tout cas.
40. Laisser l’aphorisme sur le seuil. Il n’y a pas de place habitable pour l’aphorisme. La force disjonctive ne peut se mettre en œuvre architecturale qu’à l’instant où, par quelque synergie secrète ou déniée, elle se laisse intégrer à l’ordre d’un récit, quelle qu’en soit la dimension, dans une histoire ininterrompue, entre le commencement et la fin, le soubassement fondateur et le faîte, la cave et le toit, le sol et la pointe de la pyramide...
41. Pas d’habitat pour l’aphorisme, mais on n’habite pas davantage un aphorisme, ni l’homme ni le dieu. L’aphorisme n’est ni une maison, ni un temple, ni une école, ni un parlement, ni une agora, ni une tombe. Ni une pyramide ni surtout un stade. Quoi d’autre ?
42. Bon gré mal gré, l’aphorisme est irrémédiablement édifiant.
43. Rien de plus architectural qu’un aphorisme pur, dit l’autre. Architecture dans la forme la plus philosophique de son concept : non pas une interruption pure, non pas un fragment dissocié, mais une totalité qui prétend se suffire, la figure du système (l’architectonique est l’art des systèmes, dit Kant) dans son éloquence la plus autoritaire, péremptoire, dogmatique, auto-légitimante jusqu’à la complaisance, quand elle met tout en œuvre pour faire l’économie d’une démonstration.
44. L’aphorisme résume, rassemble tout en lui-même, comme le savoir absolu. Il ne pose plus de question. Point d’interrogation : impossible de ponctuer ainsi un discours qui est ou qui produit sa propre méthode, comprend en lui-même ses préambules ou vestibules. Si l’architecture est dominée par le logos, le caractère à la fois prescriptif et entier de l’aphorisme voit triompher cette philosophie logocentrique de l’architecture. L’aphorisme commande, il commence et finit : architectonique, archi-eschatologie et archi-téléologie. Il rassemble en lui-même, agence l’avant-projet, le projet, la maîtrise d’œuvre et la mise en œuvre. Il nie la résistance des matériaux (ici tous les mots en R : la terre, la matière, la pierre, le verre, le fer, sans lesquels, pense-t-on, il n’y a pas d’architecture qui tienne, seulement des discours analogiques sur l’architecture). Pour le vérifier, il ne faut pas se contenter de ce que Hegel dit de l’architecture elle-même, mais tenir compte de ce qu’elle n’est rien, elle-même, une fois soustraite à la téléologie du savoir absolu. De même, les aphorismes ne peuvent se multiplier, se mettre en série, qu’à se confirmer ou à se contredire les uns les autres.
45. Il y a toujours plus d’un aphorisme.
46. Malgré leur apparence fragmentaire, ils font signe vers la mémoire d’une totalité, à la fois ruine et monument.
47. Dans leur multiplicité contradictoire, ils peuvent toujours redevenir des moments dialectiques, le savoir absolu en réserve dans une thèse ou dans une antithèse. Préface à un court traité de la négativité en architecture. Comment une interruption architecturale reprend un sens, une fonction, une finalité (travail du négatif) dans une nouvelle édification.
48. Contrairement à l’apparence, « déconstruction » n’est pas une métaphore architecturale. Le mot devrait, il devra nommer une pensée de l’architecture, une pensée à l’œuvre. D’abord ce n’est pas une métaphore. On ne se fie plus ici au concept de métaphore. Ensuite une déconstruction devrait déconstruire d’abord, comme son nom l’indique, la construction même, le motif structural ou constructiviste, ses schèmes, ses intuitions et ses concepts, sa rhétorique. Mais déconstruire aussi la construction strictement architecturale, la construction philosophique du concept d’architecture, celui dont le modèle régit aussi bien l’idée du système en philosophie que la théorie, la pratique et l’enseignement de l’architecture.
49. On ne déconstruit pas des superstructures pour atteindre enfin le fond, le sol originaire, l’ultime fondement d’une architecture ou d’une pensée de l’architecture. On ne fait pas retour à une pureté ou à une propriété, à l’essence de l’architecture elle-même. On s’en prend au schème du fondamental et aux oppositions qu’il induit : « fond/surface », « substance/qualité », « essence/accident », « dedans/dehors », et surtout « recherche fondamentale/recherche finalisée », cette dernière opposition étant ici de grande conséquence.
50. L’engagement, la gageure : tenir compte de cette nécessité architecturale ou anarchitecturale sans détruire, sans en tirer des conséquences seulement négatives. Le sans-fond d’une architecture « déconstructrice » et affirmative peut donner le vertige, mais ce n’est pas le vide, ce n’est pas le reste béant et chaotique, le hiatus de la destruction. Inversement, ce n’est plus la Destruktion heideggerienne même si on doit en supposer le projet. Encore moins l’invraisemblable désobstruction dont on l’a récemment affublée dans notre langue.
51. Ni Babel, ni Nemrod, ni le Déluge. Entre khora et arche, peut-être, s’il y avait une architecture qui ne fût, en cet entre, ni grecque ni juive. Une filiation encore innombrable, une autre série d’aphorismes.
52. Maintenir, malgré les tentations, malgré toutes les réappropriarions possibles, la chance de l’aphorisme, c’est garder dans l’interruption, sans interruption, la promesse de donner lieu, s’il le faut. Mais ce n’est jamais donné.